Un peu de rose, un peu de vent, un peu de rêves, un peu d'absence, un peu de vous...un peu de moi.

vendredi 28 mars 2008

"Shangri La"



J’ai contemplé bien des visages différents dans des endroits improbables.

J’ai cru longtemps les attraper dans ma main et les figer à jamais.

Les yeux ne sont cristallisés que lorsqu’ils sont en face de la mort elle-même.

Les lèvres craquelées lorsqu’elles n’ont plus de sang pour s'étancher.

J’aurai donné sûrement beaucoup afin d’y voir flou. M’aveugler de toutes ses choses qui blessent et rongent dans une irrévérence arrogante.


Je panse mes plaies et j’arme mon âme.

J’ai vu un bourgeon sous le gel qui croit encore qu’il verra le printemps.

J’ai senti la caresse tiède de ton souffle sur ma nuque offerte.

Cette main, toujours, enlace mon cœur de toute sa hargne mais je n’ai plus de haine.

J’ai laissé mon corps à mes pieds, je ne suis plus qu’une brume à peine perceptible.

J’attends patiemment le coup de vent qui me fera me répandre de ci de là.



Et je me dis tout bas que, salvatrice est l’innocence du miracle de la vie.

mercredi 12 mars 2008

Papillon de nuit



Il a délicatement posé le châle qu’elle avait laissé tomber à terre sur ses épaules et l’a pris par le poignet. Le contact de sa peau si fragile, presque translucide lui fit avoir un frisson. Elle obtempéra en lâchant un soupir.


Il la dirigea vers le fauteuil et la fit s’asseoir. Dans la cuisine, il fit chauffer de l’eau et mis le thé à infuser. Il resta un moment à regarder la décoction bouillir.


Dehors la pluie ne cessait de tomber, l’orage au loin éclairait de plus en plus les alentours et faisait trembler les fenêtres. Le temps était tout aussi déchaîné que lui l’était intérieurement.

Il revint à son chevet et déposa la tasse encore fumante sur la table basse.

Il s’assit en face d’elle et commença à détailler chaque trait de son visage poupin. Il le connaissait déjà par cœur pour l’avoir longuement contempler au par avant mais ce soir il y avait dans se dernier quelque chose de différent, quelque chose d’inquiétant.


Il connaissait chaque centimètre carré de sa peau, chaque petit grain de beauté. Son nez, un peu retroussé lui rappelait le goût acidulé de leur enfance. Sa bouche finement ourlée lui fit penser à des fruits mûrs. Il aurait aimé pouvoir en recueillir le goût sucré.


Assise dans ce fauteuil elle fixait inlassablement l’extérieur, comme si elle attendait quelque chose. Les vrombissements de l’orage se faisaient de plus en plus présent, et les éclairs illuminaient plus intensément la pièce.

Il aurait voulu la prendre dans ses bras, la secouer, lui supplier de sortir de se silence mais il savait déjà que cela n’eut servi à rien.


Ses cheveux encore mouillés se collaient par mèches sur son cou et ses joues. Il ne lui sembla pas qu’elle puisse avoir froid. Il lui pris doucement la main et prononça son prénom… Elle ne réagit pas. Il examina ses longs doigts fins, ses ongles légèrement vernis, sa peau était d’une douceur presque arrogante aux vues du commun des mortels.
Il savait dès lors que le temps lui était compté, elle avait déjà commencée à s’en aller. Il avait réfléchi à biens des moyens pour la faire rester au près de lui, mais n’en avait trouvé aucun. Malgré le fait qu’il refusa la situation, elle ne pouvait malheureusement que s’imposer à lui, sans qu’il puisse y faire quoique ce soit. Il s’en voulu de ne pas l’avoir prise au sérieux. Mais comment aurait il pu accepter l’inacceptable ?


Il se remémora alors les mots qu’elle avait prononcée en s’appliquant, l’intonation qu’elle avait prise et les sourires qu’elle avait esquissée lorsqu’il hochait la tête.


-« Tu ne me crois pas c’est bien cela ? » lui avait elle dit.


-« Non je ne te crois pas, c’est vrai » lui avait il répondu.


Elle continua de lui expliquer ce qui allait lui arriver et qu’il ne pourrait rien y faire si ce n’est rester au près d’elle jusqu’au dernier moment. Même lorsque elle lui racontait ce genre d’histoire funeste il ne pouvait nier qu’il aimait profondément le son de sa voix.


Maintenant, sa main dans la sienne il était confronté à ce qu’il avait jusqu’à lors, refusé de croire.


Cet après midi pourtant, quand ils étaient tous les deux sur la plage, il comprit que ça avait commencé. Il s’en rendit compte en l’observant furtivement, elle ne bougea plus pendant un long moment. Sa main lâcha, un à un, les coquillages qu’elle avait pris soin de ramasser. Déjà les prémices d’une absence inéluctable.


A ce moment là, il fit mine de ne s’apercevoir de rien.


Il se rapprocha pour écouter sa respiration, tellement faible qu’il dû s’approcher plus près encore, jusqu’à sentir la tiédeur de cette dernière sur sa joue. Sa bouche n’était qu’à quelques centimètres de lui. Sa poitrine lui infligeât de fortes douleurs. Il lâcha sa main, se releva et marcha un peu le long de la pièce afin de se ressaisir. Il avait un rôle à jouer dans cette histoire finalement, il était un acteur important, presque indissociable de l’héroïne puisqu’elle l’avait choisi pour l’accompagner jusqu’à la fin.


« Fin »…Ce mot résonna en lui en cognant violemment dans ses tempes. Il se rappela alors qu’elle lui avait dit que ce n’était pas vraiment une fin, qu’il n’y avait jamais de fins. Cela aurait dû le réconforter, cela aurait dû enlever un peu de cette amertume qu’il avait ressenti à ce moment là. Sans succès.


Il revint près d’elle, la tira du fauteuil et l’enlaça d’un geste brusque. En quelques secondes à peine il venait de franchir les barrières qu’il s’était imposé dès leur première rencontre. Le contact de son corps contre le sien le soulagea un peu. Elle sentait bon le sable chaud, et la framboise.

Il la serra fort lorsque ses larmes commencèrent à couler. Il colla sa bouche près de son oreille et lui murmura combien elle était importante pour lui, qu’il ne voulait pas la partager. Il lui avoua qu’il s’était mis à l’aimer dès le premier instant, il lui dit je t’aime plusieurs fois sans cesser de pleurer.

Son corps était lourd, il avait du mal à la faire se tenir debout contre lui. Il l’allongea, de côté, sur le tapis et se mit dans la même position en face d’elle. Il ne s’était pas aperçu qu’elle avait fermée les yeux. Ses cils lui parurent plus longs, plus soyeux encore. Les couleurs rosées de ses joues commençaient peu à peu à pâlir. Sa respiration ne cessait de s’amoindrir. Il caressa sa joue, remit ses cheveux en place, passa un doigt sur ses lèvres closes. Il aurait voulu rester ainsi pour toujours.

L’orage était maintenant au dessus d’eux. Le tonnerre était assourdissant…


-« Il vient te chercher » murmura t’il.


En effet, elle lui avait dit que ce jour là, que le temps changerait brusquement et qu’un orage violent éclaterait où qu’ils se trouvent. Qu’elle ne pourrait pas fuir.


« On ne peut pas fuir le ciel n’est ce pas ? » lui avait elle dit en souriant.


Il prit soin de remettre le châle sur son épaule, il aurait voulu que tout soit parfait, que rien ne cloche pour leur dernier soir ensemble. Dans quelques instants il allait définitivement la perdre sans rien pouvoir faire contre ça, au moins voulait il que tout se passe pour le mieux.


Elle lui avait dit comment ça allait se passer, elle l’avait rassurée en lui assurant qu’elle ne souffrirait pas, même si son corps lui laissait envisager le contraire.


« Ne t’inquiète de rien, je ne serai plus consciente, tu n’auras qu’à me tenir la main, et si tout ceci t’es trop insupportable, je te laisse le droit de quitter la pièce et de t’en aller » lui avait elle affirmé. En aucun cas il n’allait fuir, il le savait déjà, quand bien même il n’en pourrait plus, il resterait près d’elle jusqu’au bout.


Tout à réellement commencer quand un éclair violent c’est abattu sur le pin parasol près de la maison le bruit avait été tel un rugissement. Il avait alors senti le froid l’envelopper, il avait du mal à y voir clair, elle avait poussée un gémissement plaintif. « Ça commence ».

Son corps c’est d’abord arque bouter dans tous les sens, il n’arrivait pas à la maintenir et à éviter qu’elle ne se cogne au sol. Les gémissements s’étaient peu à peu changer en de longues plaintes roques et pleines d’agonie.


« Elle souffre »…Il ne pouvait s’empêcher d’y croire. Il entendit alors le bruit sourd de sa robe qui se déchira d’un coup sec. Il ne réalisait pas tout ce qui était en train de se passer sous ses yeux. Elle planta ses ongles dans la paume de sa main, il ne chercha pas à se défaire de son étreinte douloureuse. Il lui caressait le front pour l’apaiser, mais il avait bien compris que ce geste d’affection aussi sincère soit il, ne l’atteindrait pas, ne l’atteindrait plus jamais.


Le feu qui c’était propagé dans l’arbre, illuminait la pièce comme en plein jour, seules les tonalités étaient différentes.

Elle se tourna un peu plus vers lui, elle était presque sur le ventre lorsqu’il vue enfin ce qu’il c’était refusé de croire jusqu’à lors.

De toutes petites ailes encore repliées se trouvaient à l’emplacement même où le tissu avait été disloqué. Il n’en croyait pas ses yeux. Elle avait donc raison.

Elle arrêta alors de crier, elle retomba inerte, la main flasque et la nuque lâche. Dans une dernière inspiration elle ouvrit les yeux et le regarda fixement, sans détourner son regard du sien elle plia un peu les paupières et dans un éclat de lumière elle déplia complètement ses ailes qui firent virevolter le châle en soie, et tout ce qui se trouvait près d’elle.

Il ne pouvait plus bouger, elle se releva doucement en s’appuyant contre l’accoudoir du fauteuil. Elle le regarda un peu étonnée, ses yeux avaient changés de couleurs, sa peau paraissait encore plus lisse et fragile qu’avant.

Lorsqu’elle fut debout, il arriva enfin à reprendre possession de son corps et se leva à son tour. Face à face, ils ne cessèrent de se contempler.

Elle était là, debout, face à lui, sereine, plus belle que jamais, mais ce n’était plus celle qu’il connaissait, ce n’était même plus une humaine, le sang coulait il encore dans ses veines ? Son cœur battait il encore ?


L’envergure de ses ailes était impressionnante, il aurait voulu les toucher, elles lui semblaient être tellement soyeuse. Elle fit un pas vers lui, et le pris dans ses bras. Il crut entendre un « merci ».


L’arbre s’effondra sur le toit de la maison. Un trou béant et brûlant se tenait à la place de la cuisine.


Elle lâcha son étreinte et regarda en direction des flammes.

Elle s’y dirigea d’un pas lent. Il savait qu’elle s’en allait, il voulait dire quelque chose, un mot, un cri, mais sa gorge resta définitivement sèche. Aucun son n’en sorti.

Elle le regarda une dernière fois et lui sourit puis elle disparu dans un grand claquement d’ailes vers ce ciel qui la réclamait tant. Il resta un moment sans bouger, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus la distinguer.


Il aurait voulu mourir là, à cet endroit même où elle venait de naître. Une vie pour une mort… Maintenant c’était un ange.


Elle c’était transformée sous ses yeux et elle voulait qu’il vive.
Une fois dehors, le toit s’effondra et la pluie cessa de tomber. Il descendit le petit chemin qui menait à la plage, s’assit sur le sable humide et contempla les nuages se dissiper pour laisser le soleil se lever.

Il ouvrit la main et dans son creux se trouvait une plume immaculée.